Durant le premier semestre 2021, la Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts très intéressants en matière de relations sociales et d’élections professionnelles.
> La réduction des mandats CE/DP lors d’une mise en place de CSE par accord collectif
L’arrêt de la Cour de cassation du 10 février 2021, n° 19-14.021 est venu préciser la conséquence sur les anciens mandats CE/DP, lorsqu’un accord collectif prévoit la mise en place d’un CSE.
Pour rappel, aux termes de l’article 9-III de l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017, la durée des mandats des anciennes instances pour assurer la mise en place du CSE peut être prorogée ou réduite soit par accord collectif, soit par décision de l’employeur après consultation du Comité d’Entreprise. Le but étant que les échéances coïncident avec la date de mise en place du CSE.
En l’espèce, une entreprise a négocié avec ses syndicats représentatifs un accord collectif pour une mise en place d’un CSE unique. A la suite de la convocation par l’employeur de l’ancien comité d’entreprise et de son annulation dans la foulée, des syndicats et des salariés ont saisi la justice pour entrave au fonctionnement du comité d’entreprise.
Ils estimaient que le CE n’avait fait l’objet d’aucune procédure de dissolution et que la réduction de la durée du mandat des instances ne peut résulter que d’un accord collectif la prévoyant expressément.
La Cour de cassation s’est prononcée et considère que l’accord de mise en place du CSE avait implicitement mais nécessairement réduit les mandats en cours des membres des CE qui avaient pris fin au jour de la mise en place du CSE.
👉 Pour consulter l’arrêt : Cour de cassation, chambre sociale, du 10 février 2021, n° 19-14.021 www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/215_10_46438.html
> La contestation des élections professionnelles
L’arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 12 mai 2021, n° 19-23.428 F-P est venu apporter une précision importante sur la contestation des élections professionnelles.
En effet, l’article R 2314-24 du Code du travail prévoit que « lorsque la contestation porte sur la régularité de l’élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la requête n’est recevable que si elle est remise ou adressée dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation ».
En l’espèce, une organisation syndicale est venue saisir le tribunal pour demander l’annulation du protocole d’accord préélectoral et l’annulation des élections à venir.
La Cour de cassation précise que « lorsque la contestation porte sur la régularité de l’élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la déclaration n’est recevable que si elle est faite dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation, que celui qui saisit le tribunal d’instance, avant les élections, d’une demande d’annulation du protocole préélectoral, est recevable à demander l’annulation des élections à venir en conséquence de l’annulation du protocole préélectoral sollicitée ».
Le délai pour contester la régularité d’une élection professionnelle est de 15 jours à compter de la proclamation des résultats mais cela n’interdit pas de former un recours avant l’élection, dès l’apparition de l’irrégularité qui justifie la contestation, sans avoir à la réitérer après l’élection.
👉 Pour consulter l’arrêt : Cour de cassation, chambre sociale, 12 mai 2021, n° 19-23.428 F-P www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/545_12_47049.html
> Le droit syndical
1. L’arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, QPC 16 juin 2021, n° 21-13.141 FS-B est venu reconfirmer une jurisprudence constante sur la durée de la représentativité des organisations syndicales.
L’article L 2314-2 du Code du travail a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel et a été interprété par une jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle la représentativité des organisations syndicales est établie pour toute la durée du cycle électoral y compris en cas de modification du périmètre de l’entreprise, qui confère une portée nouvelle aux dispositions contestées.
En l’espèce, deux organisations syndicales ont demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Elles étaient en effet représentatives dans leur établissement quand celui-ci a été absorbé par une entreprise. Or, ces organisations syndicales n’étant pas représentatives dans l’établissement absorbant aux dernières élections, il leur a été impossible de désigner un délégué syndical jusqu’à ce que de nouvelles élections soient organisées. Elles estiment donc que la jurisprudence constante méconnaît la liberté syndicale et le principe de participation des travailleurs.
La Cour de cassation estime que toutes les jurisprudences antérieures sont justifiées par un objectif de stabilité de la mesure de la représentativité syndicale pour toute la durée d’un cycle électoral de façon à permettre l’effectivité de la négociation collective au sein de l’entreprise et qui sont similaires à celles retenues par le législateur pour la représentativité syndicale au niveau de la branche professionnelle et au niveau national et interprofessionnel, ne méconnaissent ni la liberté syndicale ni le principe de participation des travailleurs.
Par conséquent, il n’y a pas lieu de renvoyer la question posée au Conseil constitutionnel.
👉 Pour consulter l’arrêt : Cour de cassation, chambre sociale, QPC 16 juin 2021, n° 21-13.141 FS-B www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/967_16_47313.html
2. L’arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 9 juin 2021, n° 19-24.678 a précisé les modalités de renonciation à être délégué syndical par tous les candidats et élus aux anciennes élections professionnelles.
L’article L 2143-3 alinéa 2 du Code du travail précise que « Si aucun des candidats présentés par l’organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article ou s’il ne reste, dans l’entreprise ou l’établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les conditions mentionnées au même premier alinéa, ou si l’ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d’être désigné délégué syndical, une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats, ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d’exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l’article L. 2314-33 ».
En l’espèce, une Unité Économique Sociale (UES) est formée et des élections professionnelles sont organisées.
Par la suite, un syndicat désigne une déléguée syndicale sur un établissement secondaire de l’UES. Les établissements de l’UES saisissent le tribunal pour demander annulation de cette désignation. Le syndicat verse aux débats les renonciations écrites de chacune des personnes ayant obtenu la condition d’audience personnelle de 10 % dans le périmètre de désignation. Toutefois, ces renonciations écrites sont intervenues postérieurement à la désignation de la déléguée syndicale.
La Cour de cassation est venue s’intéresser pour la première fois à la dernière exception énoncée par l’article L 2143-3 du Code du travail.
Elle ne pouvait se référer à la lettre du texte pour interpréter l’exception, par conséquent la Cour de cassation s’appuie sur la recherche de la « volonté du législateur » à travers les travaux préparatoires à la loi du 29 mars 2018.
La mention de l’article L 2143-3 alinéa 2 du Code du travail et les travaux préparatoires font ressortir que cette possibilité pour le syndicat de désigner un salarié ne vaut que « lorsque tous les élus ou tous les candidats qu’elle a présentés aux dernières élections ont renoncé préalablement à être désignés délégué syndical , l’organisation syndicale peut désigner comme délégué syndical l’un de ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement ou l’un de ses anciens élus ayant atteint la limite de trois mandats successifs au comité social et économique».
👉 Pour consulter l’arrêt : Cour de cassation, chambre sociale, 9 juin 2021, n° 19-24.678 www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/712_9_47268.html
> La signature des listes d’émargements
L’arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 23 juin 2021, n°20-60.204 F-D est venu reconfirmer une position constante de la jurisprudence sur la signature des listes d’émargements par les membres du bureau de vote.
L’article R 62 du code électoral précise que « dès la clôture du scrutin, la liste d’émargement est signée par tous les membres du bureau. Il est aussitôt procédé au dénombrement des émargements. »
La Cour de cassation confirme les dispositions légales et précise que l’absence de signature des membres du bureau de vote sur la liste d’émargement est de nature à affecter la sincérité des opérations électorales et constitue une irrégularité justifiant à elle seule l’annulation des élections.
👉 Pour consulter l’arrêt : Cour de cassation, chambre sociale, 23 juin 2021, n°20-60.204 F-D
www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043711194?init=true&page=1&query=20-60204&searchField=ALL&tab_selection=all