La possibilité de présenter sa candidature et de représenter ses collègues en tant qu’élu au Comité Social et Economique de son entreprise n’est pas un droit acquis par tous les salariés. Être candidat suppose notamment de respecter certaines conditions et principes définis par le Code du Travail et la jurisprudence de la Cour de cassation. Le manquement à ces règles expose les candidatures au CSE litigieuses à des contestations.
I. Candidatures au CSE : Modalités de dépôt des listes
A. Au premier tour : un monopole syndical
B. Au second tour : candidatures libres
II. Candidatures au CSE : L’élaboration d’une liste « valide »
C. Les particularités des listes syndicales
D. La représentation équilibrée des Femmes et des Hommes sur les listes de candidats
III. Candidatures au CSE : L’employeur n’est pas juge de la régularité des listes
Une fois l’appel à candidature pour le 1er tour des élections professionnelles diffusé, des candidatures au CSE et professions de foi peuvent être déposées dans les conditions prévues par le protocole d’accord préélectoral (PAP).
La candidature s’accompagne en effet généralement d’une profession de foi, destinée à présenter aux électeurs ses idées et/ou motivations afin les convaincre, bien que fournir ce document ne soit pas obligatoire.
Aucune forme particulière n’est légalement prévue. Les formalités (format, nombre de pages etc) sont prévues par le PAP.
Le contenu de la profession de foi est lui aussi assez libre mais ne doit pas contenir d’opinions politiques ni décrier les autres organisations syndicales.
Pendant cette période toutes les candidatures au CSE devront donc respecter ce monopole syndical.
Par ailleurs, lorsque plusieurs syndicats sont affiliés à une même confédération nationale la Cour de cassation a considéré qu’une seule liste de candidats dans chaque collège pouvait être acceptée.
Lorsque deux listes sont déposées par de tels syndicats et à défaut de solution dans les statuts pour trancher, seule la première liste déposée est retenue (Cass. soc., 24 janv. 2018, n° 16-22.168).
Une fois la liste constituée, elle pourra uniquement être déposée par une personne justifiant d’un mandat du syndicat pour le faire. Cette obligation s’impose à tous, même lorsque le dépositaire est un délégué syndical ou un représentant de section syndicale (Cass. soc., 15 juin. 2011, n° 10-25.282).
Lorsque le premier tour des élections est achevé, un second tour est organisé dans les cas suivants :
• Carence de candidats au 1er tour ;
• Quorum non atteint (lorsque le nombre de suffrages valablement exprimés est inférieur à la moitié des électeurs inscrits) ;
• Un ou plusieurs sièges non pourvus à l’issue du premier tour.
Les candidatures au CSE au second tour sont libres, le monopole syndical prend donc fin. En d’autres termes, si les syndicats invités à négocier le protocole sont toujours en droit de présenter des listes de candidats, ils ne sont plus les seuls à pouvoir le faire.
En effet, les salariés remplissant les conditions d’éligibilité peuvent désormais se présenter seuls ou constituer une liste commune avec d’autres salariés. On parle de listes « sans étiquette syndicale ».
Par ailleurs, les candidatures au CSE présentées au 1er tour par les syndicats « doivent être considérées comme maintenues pour le second tour » (Cass. soc., 15 mars. 2006, n° 05-60.286). Elles peuvent bien évidemment être modifiées sous réserve d’en informer l’entreprise dans les délais prévus par le protocole d’accord préélectoral.
Là encore, l’éventuelle modification d’une liste syndicale devra être effectuée par une personne mandatée à cet effet.
Au 1er et au 2nd tour, les listes de candidats doivent respecter plusieurs critères pour être considérées comme valides.
Des salariés éligibles et candidats dans leur collège : Les listes de candidats doivent être composées de salariés éligibles. Sont éligibles les électeurs (L. 2314-19 C. trav) :
• Agés de 18 ans révolus ;
• Travaillant depuis un an au moins dans l’entreprise ;
• Qui ne sont pas conjoints, partenaires de Pacs, concubins, ascendants, descendants, frères, sœurs, ou alliés au même degré que l’employeur.
Il est nécessaire pour être éligible de faire partie des effectifs de la société. Ainsi, même s’il est absent à la date des élections, « le salarié dont le contrat est suspendu est éligible aux fonctions représentatives du personnel », sous réserve de respecter les conditions légales requises pour l’être (Cass. soc., 9 oct. 2007, n° 06-42.348).
L’article L. 2314-19 du Code du travail prévoit en outre que sont exclus, les salariés qui disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ou qui le représentent effectivement devant le comité social et économique (CSE).
Les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure ne sont pas éligibles dans l’entreprise utilisatrice (L. 2314-23 C. trav).
Les salariés travaillant à temps partiel simultanément dans plusieurs entreprises ne sont éligibles que dans l’une de ces entreprises. Ils choisissent celle dans laquelle ils font acte de candidature (L. 2314-19 C. trav).
Pour pouvoir déterminer quel salarié est électeur ou éligible pour les élections professionnelles, les conditions, notamment d’ancienneté, sont appréciées à la date du 1er tour des élections.
Par ailleurs, même éligible, un salarié ne peut pas candidater dans plusieurs collèges ni dans n’importe quel collège.
En effet les listes de candidats sont constituées par collège (L. 2314-11 C. trav) et un salarié ne peut se présenter que dans le collège auquel il appartient. Un salarié cadre ne pourra donc pas, par exemple candidater chez les ouvriers/employés.
Au-delà du critère de l’éligibilité, les salariés sont libres de candidater ou non aux élections professionnelles.
Les syndicats, sous réserve de l’accord des intéressés (Cass. soc., 20 oct. 1993, n° 92-60.304 ; Cass soc., 25 juin 2014, n° 13-20.541), sont libres du choix de leurs candidats. Une organisation syndicale peut ainsi présenter comme candidats « soit ses propres adhérents, soit des salariés non-syndiqués ou adhérents à une autre organisation » (Cass. soc., 28 mars. 2012, n° 11-61.180).
Les syndicats sont libres de déposer des listes dans le (ou les) collège(s) de leur choix pour l’élection des titulaires et des suppléants. Chaque liste déposée est indépendante des autres.
L’élection des membres du CSE est organisée par collèges à l’intérieur desquels sont séparés les scrutins de titulaires et de suppléants. Pour élire ces membres « il est procédé à des votes séparés » (L. 2314-26 C. trav).
Les conditions d’éligibilité sont identiques pour les deux scrutins. Ainsi, un salarié éligible pourra à la fois être candidat :
• En tant que titulaire ;
• En tant que suppléant ;
• En tant que titulaire et suppléant ( soc., 9 nov. 2016, n° 16-11.622).
En revanche, les deux mandats ne se cumulant pas, le candidat ne sera élu suppléant que subsidiairement, s’il n’est pas élu en tant que titulaire. Le mandat de titulaire prévaut.
Le nombre de candidats par liste est variable. Pour le trouver il faut se référer au PAP et plus spécifiquement au nombre de sièges à pourvoir dans chaque collège électoral constitué.
Une liste de candidat, au risque de voir les élections annulées, ne peut pas comporter plus de candidats que de sièges à pourvoir (Cass. soc., 1er déc. 2010, n° 10-60.078). En revanche, les listes incomplètes sont admises (Cass. soc., 9 nov. 2016, n° 16-11.622).
A défaut de dispositions prévues par le PAP sur le sujet, le nombre de membres de la délégation du personnel au CSE est défini à l’article R. 2314-1 du Code du travail. Ce nombre varie en fonction de l’effectif de l’entreprise.
Le nombre total de sièges à pourvoir sera ensuite réparti entre les différents collèges, proportionnellement au nombre d’électeurs qui les composent (circulaire DRT n°12 du 17 mars 1993).
Pour en savoir plus, consultez notre article « Tout savoir sur la négociation du Protocole d’Accord Préélectoral ».
Par principe, le nombre de mandats successifs des membres de la délégation du personnel au CSE, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, est limité à 3 (L. 2314-33 C. trav). Il conviendra donc de prendre en compte cette donnée au moment de présenter une liste de candidats.
Il est toutefois possible, pour les entreprises dont l’effectif comprend entre 50 et 300 salariés, de déroger à cette règle. Il suffit pour cela de le prévoir dans le PAP.
En revanche, à partir de 301 salariés, il est impossible d’écarter la règle des mandats successifs.
Cette limitation ne s’applique que pour les mandats de membres élus du CSE. Les mandats d’élus aux anciennes institutions représentatives du personnel doivent être exclus du décompte.
Une liste déposée à l’employeur doit être accompagnée d’un certain nombre d’informations :
• La dénomination de l’organisation syndicale
• Le collège électoral concerné
• La nature du siège concerné (titulaire, suppléant, ou les deux).
L’accord des salariés figurant sur la liste est préalablement requis, à défaut la candidature est irrégulière (Cass.soc., 20 oct. 1993, n° 92-60.304). Il est donc recommandé que chaque candidat appose sa signature en face de son nom.
Afin de maximiser leurs chances d’obtenir un grand nombre de voix, il arrive parfois que plusieurs organisations syndicales se réunissent au sein d’une même liste. On parle alors d’une intersyndicale.
Par principe, la répartition des suffrages exprimés entre les syndicats concernés se fait au regard du découpage indiqué lors du dépôt de leurs listes (L. 2122-3 C. trav).
Cette répartition peut être inégale mais lorsque c’est le cas, elle « doit être portée tant à la connaissance de l’employeur qu’à celle des électeurs de l’entreprise ou de l’établissement concerné avant le déroulement des élections » (Cass. soc., 2 mars. 2011, n° 10-17.603).
Cette information peut prendre la forme d’une mention sur les bulletins de vote ou d’un affichage sur les panneaux syndicaux.
Les contours de l’intersyndicale peuvent être précisés dans le PAP ou encore faire l’objet d’une propagande syndicale.
Dans l’hypothèse où rien n’a été précisé, la répartition des suffrages se fait à part égale (Cass. soc 13 janv. 2010, n° 09-60.208).
En tout état de cause, la répartition des suffrages ne peut pas être modifiée après les élections pour tenir compte des résultats obtenus (Cass.soc., 10 mars 2016, n°15-16.807).
Un syndicat est reconnu catégoriel lorsque ses statuts prévoient qu’il a vocation à ne représenter qu’une catégorie de salariés et non l’ensemble des salariés.
L’article L. 2122-2 du Code du travail instaure deux critères, cumulatifs, pour qu’un syndicat soit considéré comme catégoriel et bénéficie des règles spécifiques applicables à la mesure de sa représentativité :
• Ses règles statutaires doivent lui donner vocation à présenter des candidats dans un ou plusieurs collèges déterminés ;
• Il doit être affilié à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale.
Les organisations syndicales ne peuvent respecter cette seconde condition qu’en s’affiliant à la CFE-CGC, seule confédération syndicale catégorielle nationale à ce jour.
Contrairement aux autres syndicats, la représentativité des syndicats catégoriels ne se calcule que sur les collèges où elle a vocation à présenter des candidats.
Exemple : la CFE-CGC n’a vocation à présenter des candidats que des collèges 2 et 3. Quand bien même elle n’aurait effectivement déposé qu’une liste pour le collège 2, sa représentativité sera calculée en prenant en compte les suffrages exprimés des collèges 2 et 3.
NOTA
Le Code du travail prévoit également la possibilité de créer, au sein des entreprises et agences de presse, un collège électoral spécifique aux journalistes professionnels. Si tel est le cas, la représentativité de l’organisation syndicale à l’égard des salariés relevant du collège « journalistes » est appréciée sur la base des suffrages exprimés dans ce collège, le syndicat devant recueillir au moins 10 % des suffrages au sein de ce collège (L. 7111-7 C. trav).
Avec pour objectif de promouvoir une représentation équilibrée entre les Femmes et les Hommes au CSE, l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 a érigé des règles supplémentaires en matière de candidatures au CSE, aussi bien sur les listes titulaires que suppléantes.
Ces règles ne s’appliquent qu’aux listes présentées par les organisations syndicales. « Elles ne s’appliquent pas aux candidatures au CSE libres présentées au second tour » (Cass. soc., 25 nov. 2020, n° 19-60.222).
Les listes comportant plusieurs candidats devront désormais respecter « la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale » et être « composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats de l’un des sexes » (L. 2314-30 C. trav).
Il faut donc s’appuyer sur les données inscrites dans le PAP en divisant, pour chaque collège, le pourcentage hommes et de femmes par le nombre de sièges à pourvoir et appliquer les règles de calcul suivantes (L. 2314-30 C. trav).
• À l’entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5;
• À l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5.
Lorsque le nombre de sièges à pourvoir est impair et si le calcul aboutit une stricte égalité entre les deux sexes, la liste comprend indifféremment un homme ou une femme supplémentaire.
Il arrive parfois, lorsque la proportion entre les femmes et les hommes est particulièrement déséquilibrée, que le calcul aboutisse à exclure totalement la représentation d’un sexe. Dans ce cas de figure « les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut, ne serait pas représenté. Ce candidat ne peut être en première position sur la liste ».
Le dépôt d’une liste incomplète, admis par la jurisprudence, aboutit à un calcul différent de celui effectué pour une liste comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir.
Le calcul ne doit ainsi pas se faire par rapport au nombre de sièges à pourvoir prévu par le PAP, mais par rapport au nombre de candidat de la liste incomplète (voir cas pratique).
A RETENIR
La représentation équilibrée des femmes et des Hommes se calcule :
Au-delà de cette particularité, les règles classiques évoquées précédemment s’appliquent.
L’employeur ne peut pas se faire juge de la validité des listes qui lui sont déposées (Cass. soc., 7 janv. 1998, n° 97-60.301). Il ne peut donc pas la modifier de lui-même (Cass., 23 sept 2015, n°14-21.317)
S’il estime que la candidature est irrégulière et qu’il souhaite la contester, il n’a pas d’autres choix que de saisir le tribunal judiciaire.
L’employeur ne peut refuser une liste que lorsque le dépôt est effectué par une personne non-habilitée, c’est-à-dire sans mandat du syndicat ou en cas de dépôt tardif.
Les dates et heures limites de dépôt des candidatures au CSE sont prévues par le PAP. En cas de dépôt tardif, l’employeur est donc également fondé à refuser la liste (Cass. soc., 9 nov. 2011, n° 10-28.838 ; Cass. soc., 10 juill.2024, n° 23-13.551).
Il en est autrement lorsque les modalités d’organisation des élections sont fixées unilatéralement : « les modalités d’organisation du scrutin fixées unilatéralement par l’employeur en l’absence d’un protocole d’accord préélectoral valide ne peuvent conduire à écarter une liste de candidature que si les modalités de dépôt de cette liste portent atteinte au bon déroulement des opérations électorales » (Cass. soc., 15 oct. 2015, n° 14-60.710 ; Cass. soc., 15 juin. 2022, n° 21-11.691).
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