La crise sanitaire n’a pas empêché la Cour de cassation de rendre une panoplie d’arrêts concernant les relations sociales. Voici donc un récapitulatif des arrêts de la Cour de cassation en la matière sur le second semestre 2020.
Deux arrêts de la Cour de cassation ont été rendus sur le représentant de la section syndicale et sur le délégué syndical.
1. L’arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 9 septembre 2020, n° 19-13.926 est venu préciser les dispositions de l’article L.2142-1-1 du Code du travail qui interdisent de désigner immédiatement après l’organisation des élections professionnelles en qualité de RSS le salarié qui exerçait cette même fonction au moment des élections.
Toutefois, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que ces dispositions ne sont pas opposables au syndicat dès lors que le périmètre de ces élections est différent de celui retenu lors des élections précédentes. Tel est le cas lorsque la première désignation intervient au niveau d’une société et la seconde au niveau d’une unité économique et sociale (UES).
En l’espèce, une salariée avait été désignée représentante d’une section syndicale (RSS) dans une société ayant annoncé un projet de fusion et préparant la reconnaissance judiciaire de l’existence d’une UES entre elle et 2 autres sociétés. La reconnaissance de l’UES a donné lieu à l’organisation d’élections au sein du périmètre de l’UES. La salariée a été de nouveau désignée en qualité de RSS par le syndicat avec comme périmètre de désignation l’UES.
Saisi par l’employeur, le tribunal d’instance a accepté la demande en annulation de cette désignation dont il a été saisi, mais ce n’est pas le cas de la Cour de Cassation. La première désignation du salarié en qualité de représentant de section syndicale avait été faite avec pour périmètre la société et que la seconde avait été faite avec pour périmètre l’UES.
La chambre sociale en a conclu que les périmètres des désignations successives étant distincts, le représentant de la section syndicale précédemment désigné pouvait être de nouveau désigné par dérogation à l’article L 2142-1-1 du Code du travail.
2. L’arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 4 novembre 2020, n° 19-12.279 F-PB est venu préciser le régime du représentant du personnel désigné délégué syndical. Cette décision est applicable au membre élu du CSE désigné comme délégué syndical dans une entreprise de moins de 50 salariés. L’article L. 2143-6 du code du travail précise que « Dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l’établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical. »
En l’espèce, un salarié est élu comme délégué du personnel dans une entreprise de moins de 50 salariés. Quelques semaines plus tard, son syndicat le désigne comme délégué syndical.
Quelques années plus tard, le salarié démissionne de ses mandats de délégué du personnel et de délégué syndical et se fait licencier par son entreprise.
Son employeur demande l’autorisation à l’inspection du travail avant de le licencier en vue de respecter la procédure spécifique et la protection de 6 mois attachée à son mandat d’élu.
Ce salarié saisi le Conseil des Prud’hommes pour demander réparation et bénéficier du statut protecteur en tant qu’ancien DS ayant exercé ses fonctions pendant plus d’un an.
La Cour de cassation rappelle le fondement de l’article L.2143-6 du Code du travail et précise que « la protection supplémentaire au terme du mandat est celle de 6 mois attachée à sa qualité de délégué du personnel et non celle d’un an attachée à la qualité de délégué syndical s’il a exercé plus d’un an. ».
Deux arrêts de la Cour de cassation ont été rendus sur les informations pouvant être données pour le contrôle des effectifs lors de la négociation du PAP et sur la protection d’un candidat imminent aux élections.
1. L’arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 16 septembre 2020, n° 19-60.185 est venu préciser les documents que l’employeur peut fournir aux organisations syndicales durant la négociation du PAP. Afin de permettre aux syndicats de contrôler la réalité de l’effectif de l’entreprise lors de la négociation du protocole d’accord préélectoral (PAP), l’employeur est tenu de leur communiquer certaines informations nécessaires au contrôle de l’effectif de l’entreprise et de la régularité de la liste électorale. (Cass. soc. 24-9-2013 n° 12-60.567 F-D)
La Cour de cassation a jugé que, pour satisfaire à cette obligation, l’employeur peut soit mettre à disposition le registre unique du personnel et les déclarations annuelles de données sociales des années concernées, soit leur communiquer des copies ou extraits desdits documents, expurgés des éléments confidentiels, tel que la rémunération des salariés.
En l’espèce, un syndicat a sollicité, durant la négociation du PAP, la remise d’un certain nombre de documents afin de contrôler la réalité de l’effectif de l’entreprise. L’employeur avait remis au syndicat le registre unique du personnel, la liste des contrats à durée déterminée autres que de remplacement, la liste des intérimaires, la liste des prestataires, la liste des salariés à temps partiel ainsi qu’un tableau des effectifs. En revanche, le syndicat estimait que la remise de ces documents était insuffisante et saisissait le tribunal d’instance afin que soit ordonnée la remise de documents complémentaires.
Le tribunal d’instance et la Cour de cassation n’ont pas fait droit à cette demande.
En effet, l’employeur avait satisfait à son obligation d’information car les documents qu’il avait fournis étaient amplement suffisants.
2. L’arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 30 septembre 2020, n°19-12-272 F-D précise les modalités sur la protection d’un salarié candidat aux élections professionnelles.
L’article L 2411-7 du Code du travail précise qu’un salarié candidat aux fonctions de membre élu du comité social et économique (et auparavant du comité d’entreprise) est protégé pendant 6 mois à compter de la publication des candidatures.
En l’espèce, un syndicat avait informé l’employeur de la future candidature de deux salariées deux mois avant la date prévue du premier tour des élections. Pendant les négociations, l’employeur avait licencié les deux intéressées sans demander d’autorisation administrative.
La cour d’appel avait rejeté la demande en nullité du licenciement présentée par les deux salariées, en jugeant que les candidatures aux élections ne peuvent être valablement déposées qu’après la signature du protocole d’accord préélectoral.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel en rappelant, que pour les élections du comité d’entreprise le bénéfice de la protection au titre de la candidature imminente n’est pas soumis à la conclusion préalable d’un protocole d’accord préélectoral.
L’arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, 9 septembre 2020, n°19-83.139 est venu préciser les modalités de la constitution de partie civile d’un comité d’entreprise. Cet arrêt est applicable à la constitution de partie civile d’un comité social et économique (CSE).
D’après l’article L.2315-23 du Code du travail (ancien L 2325-1 du Code du travail), il en résulte que dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine.
En l’espèce, un comité d’entreprise, victime d’un abus de confiance, s‘était constitué partie civile par l’intermédiaire d’un de ses membres devant la juridiction d’instruction aux fins d’obtenir réparation du préjudice financier et moral.
Le tribunal correctionnel a déclaré irrecevable cette constitution de partie civile au motif que le membre du comité d’entreprise muni du mandat de représentation n’en était plus membre au moment de l’audience.
La Cour d’appel retient que le comité d’entreprise s’est valablement constitué partie civile au stade de l’instruction préparatoire et en déduit que ces effets perdurent devant le tribunal correctionnel.
La Cour de cassation met en avant l’article 2 et 3 du Code de la procédure pénale et l’article L 2325-1 du Code du travail. « L’action civile en réparation du dommage directement causé au comité d’entreprise par un crime, un délit ou une contravention doit être exercée par l’un de ses membres régulièrement mandaté à cet effet. »
L’arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 4 novembre 2020, n°19-12-775 FS-PBI est venu mettre l’accent sur le défaut d’organisation des élections professionnelles dans une entreprise.
Cet arrêt est transposable au comité social et économique.
Depuis 2016, plusieurs jurisprudences sont venues préciser que « l’employeur qui, bien qu’il y soit légalement tenu, n’accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel, sans qu’un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts » (Cass. Soc. 17-5-2011 n° 10-12.852 FS-PB : RJS 8-9/11 n° 714 ; Cass. Soc. 17-10-2018 n° 17-14.392 FS-PB : FRS 22/18 inf. 2 p. 4 ; Cass. Soc. 15-5-2019 n° 17-22.224 F-D : RJS 7/19 n° 445)
Mais ces arrêts de Cour de cassation ne concernent que des élections professionnelles et non des élections partielles.
En l’espèce, des élections professionnelles avaient bien été organisées en 2013 et des élus ont démissionnés dès avril 2014.
En effet, l’article L2314-10 du Code du travail précise que « des élections partielles sont organisées à l’initiative de l’employeur si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique est réduit de moitié ou plus, sauf si ces événements interviennent moins de six mois avant le terme du mandat des membres de la délégation du personnel du comité social et économique ».
L’employeur tarde à organiser des élections partielles et ne le fait qu’en 2016, lorsqu’un salarié le demande. Ce dernier saisi la juridiction prud’homale pour demander réparation sur le dommage subi.
Toutes les juridictions saisies rejettent la demande de dommages et intérêts.
La Cour de cassation distingue la situation actuelle dans l’entreprise à celle de salariés dont l’employeur n’a pas organisé d’élections professionnelles.
En effet, le salarié demandeur n’avait pas été privé d’une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts puisqu’un délégué du personnel était toujours présent dans l’entreprise. En outre, Il lui appartenait d’apporter la preuve d’un préjudice pour prétendre à une indemnisation.